dimanche 21 octobre 2007

L'inquiétante familiarité

Anaïs Nïn a écrit: « Le danger de la schizophrénie, c'est que le névrosé en état de choc recherche un autre choc pour s'éveiller, recherche la douleur. Et la douleur qu’il éprouve lui procure momentanément l’illusion d’être pleinement et totalement vivant. »

Et là, je repense au diagnostique erroné du psychanalyste des urgences quand j’avais dix-huit ans. Erroné je l’espère, j’en suis presque persuadé vu les dégâts que le traitement avait causés sur moi. Mais même si je suis presque certaine que je n’ai pas ce genre de trouble il persiste des inquiétudes, surtout quand je lis cet extrait du journal d’Anaïs comme un écho à ma propre expérience. J’ai toujours été fasciné par la douleur, par la souffrance. Je me plonge moi-même dans des états de profond accablement par plaisir. J’ai du mal à saisir ce paradoxe qu’il y a entre plaisir et souffrance. Pourquoi aie-je autant de satisfaction à me faire du mal ?
J’éprouve une réel fascination pour tout ce qui est déchéance, destruction.
Mais quand il y a destruction, il faut reconstruire. Je m’emploi péniblement à rebâtir mes charpentes pour les abattre régulièrement d’insatisfaction. Et pendant ces périodes de démolition minutieuse je construis en parallèle un monde que je trouve merveilleux, une scission entre le réel et le rêve, une cage que je tapisse de chimères, de fantasmes féeriques et monstrueux. Je suis actrice de ma propre pièce, je me joue à moi-même des tirades tragiques d’héroïne martyre, je mire mon reflet miséreux … Et pourtant … Si j’ai la force d’avouer comme à confesse cet extravagance narcissique cela ne m’empêche pas d’être en proie régulièrement à des angoisses délirantes.

Je ne saurais expliquer ce mécanisme répétitif qui me prend, lorsque je subie une anxiété trop forte et que s’ajoute par-dessus une émotion violente alors je pars dans une crise où mon esprit se scinde en deux, d’une part une partie consciente de l’absurdité qui me saisie, et de l’autre, une tempête de panique qui me fait perdre totalement la raison. Comme j’ai quand même conscience du regard de l’autre, j’ai le réflexe de m’isoler dans ces attaques qui me prennent subitement. J’ai le regard égaré, tout bruit devient source d’agression, la peur me tenaille, je deviens paranoïaque, le moindre rapprochement d’une personne me tend comme un arc, et je n’ai plus qu’une solution, fuir pour me cacher du monde.
Une fois seule, une fois que je sais que mon comportement démesuré ne sera pas observé, jugé, par l’autre, alors je tombe dans l’abîme la démence. Je suis l’arme la plus dangereuse contre moi-même. Et dans ces instants, ou le temps n’a plus de sens, ou aucun de mes actes n’ont de conséquences, ou plus rien ne me semble réel, mais tout semble recouvert d’un voile, d’une brume qui me laisse croire que je suis dans un rêve, que tout ce que je fais sera effacé une fois la raison revenue, alors je crois a la mort comme une délivrance de mon état. Trop effrayé de rester coincé dans cette prison intemporelle je passe, ou suis prête à passer à l’acte.

Est-ce cet attrait pour le morbide qui me plonge dans ces méandres délirants ? Je ne sais pas. Le fait est que j’y ai déjà pensé, mais mes plongées torturées sont profondément conscientes et contrôlées. Je sais bien que mon désir d’amaigrissement fait parti de cette chaîne, que je joue avec mon corps car il fait parti de ce divertissement pervers. Je manie ma souffrance comme le violoniste son archet, même si parfois mes dosages m’échappent et que je me retrouve brûlé à mon propre jeu. Mais jusqu’où vais-je aller dans ces chemins sinueux vers lesquelles je m’engouffre à côté du monde ? Pourquoi me bâtir ce château fantastique inquiétant ?
« L’inquiétante familiarité » … J’ai encore tant à apprendre …

A.S

Aucun commentaire: