vendredi 15 décembre 2006

angoisse opaque

Besoin de lâcher un peu les effluves dégoulinantes de ma pensée. Elle arrive opaque et dense comme l'ombre de la nuit. J'ai fermé la porte à la lumière, me plongeant dans la solitude. La voix cajolante de Barbara me caresse, frôlant mes pensées. Elle seule me tient compagnie et donne vie à la lourdeur épaisse du vide de la pièce. Je suis lasse de gueuler ma souffrance à travers ces ténèbres trop longues. Un cri que me renvoi l'écho des murs suintants l'angoisse, dégoulinants de douleur, qui se referment sur moi comme un étau. Je me suis accrochée cette pierre autour du cou qu'est la dépression. Cachée dans les plinthes, dissimulée derrière le crépi de mes murs, elle me guette, macabre, l’œil cerclé de noir, les doigts tordus pour me crocheter dans un coin. Elle m'attend sur le pas de ma porte, et moi, proie fragile, je l'évite furtivement, essoufflée déjà de cette longue course à travers la vie. Trop tard. Je suis née d'une bouche d'ombre, et n'en suis jamais sortie. C'est elle-même qui m'a injecté ce poison mortel, qui m'a noyé dans l'indicible. Je suis la chair de la chair décomposé, et fétide. Mon corps s’effrite lentement pour retrouver la décomposition qui m'a crée. Je ne suis que nausées et vomissures, je suis les moisissures dégoulinants le long de mon écueil cerclé de blanc. Je suis l’entraille des entrailles, une baudruche à enfler et désenfler. Le jouet sordide de l'infortunée qui n'a pas su m'utiliser. Lâchez l'embouchure et laissez moi m'envoler dans les cieux remplie d'air et aller cracher mon vide jusqu'au firmament. Lâche ma bouche, enlève-moi ce sein douteux de la figure, je ne veux plus de ton lait amer. ... A mère... amertume... A ! Mère tue me ... Laisse toi mourir et lâche-moi que je vive ... Je ne veux plus de ta main squelettique qui m'empoigne me tirant à toi dans ces longues déblacles nocturnes. Arrête de me fixer à travers ces cavités vides.
Je voudrais retrouver celle que je suis. Je voudrais que dans mon ventre, où pourrissent les damnés, au milieu des dépouilles, naisse une fleur. Alors je nourrirais ce bourgeon pour que pousse un lierre coloré et fleurit qui recouvre l'odeur fétide de la mort. Je voudrais qu'en moi éclose un jardin de vie qui surgisse et que sortent à travers moi toutes ces merveilles. Alors les gens me verront tel que je suis, pleine de couleurs. Une peinture inachevée mais prometteuse.
A.S

mardi 10 octobre 2006

inxpire

Je vis dans un monde virtuel, je peux échanger les couleurs. Je suis exploratrice de la 3ème dimension, je me glisse dans votre imagination.
J’ai le miroir maussade immobile de glace qui se frise à ma vue et me glace.
Dans les oubliettes de ma sombre pensée, j’aimerais que les souvenirs qui me dérangent dérivent, mais moi, ma mémoire n’est pas sélective. L’amour, je le court circuite.
Les matins blêmes qui sont les plus fragiles, sont comme les étoiles et nous, terriens, ne sommes rien, juste des poussières dans le système solaire qui sifflent comme des étoiles filantes.
Le monde à l’envers, l’envers du vertige, mes souhaits seraient d’être une autre, je les déguise, il n’y a que le murmure de la nuit qui les entend, je masque mes fantasmes.
J’aimerais trouver les mots, tous les mots sont démodés. Ame trop sensible, à cœur ouvert à corps saignant, une cible trop fragile.
Pleurer fait pousser comme une fleur, à fleur de peau, une danse en transe une transcendance, goutte que goutte, l’amour de l’eau, la nuit docile glisse dans la rive; pluie d’or.
Dans la nébuleuse des bulles heureuses, le chagrin il est vain d’en rajouter trop enivrant envenimé.
La pluie ne dit rien, vous allez rire peut être ou pleurer de joie, je ne sais pas. La raison taquine souvent la folie, épée de Damocles, mon âme vacille l’air de rien dans le temps.
Les mots roulent boulent filent sur un fil. Pas si facile d’être pure dans un monde qui l’est moins.
Le bonheur c’est dans les couleurs, mélodies inventées en un rien, on peut faire le tour de la terre sur les mains, mettre un canard dans son café, s’enlever le doute du pied pour ne pas s’embrouiller.
Un clown mal acidulé, un magicien auditionné, un blaireau qu’on ne peut pas sucrer. Rêve. Le jour se lève c’est le soleil de tes yeux qui illumine ma pensée et panse mon passé.

A.S

lundi 2 octobre 2006



Il y a des couloirs, des mains courantes et des escaliers en spirale dans l'air. Quand l'air nous manque. Quand les mots refusent de se détacher des choses. Et accroissent leur opacité, leur accablement, leur servilité de choses. Des couloirs et des mains courantes qui mènent à cette buanderie de l'air où nous allons nous échouer.

Des couloirs sans fin qui nous relèguent et que nous finirons par VOMIR comme des fragments imputrescibles de l'affreux festin labyrinthique. Dans les galeries de ce terrier aérien, la bête insensée que nous sommes, meurt de s'unir à la bête future que nous enfermons, et que nous poursuivons, et que nous ajustons, dehors, aveuglément, avec une arme sans défaut qui ne peut abattre que nous.

Jacques Dupin

samedi 30 septembre 2006

lettre kafk'aie-haine

Ma bouche n’arrive plus à sortir les mots qui restent coincés au fond de mon gosier comme une plaie. Tout comme j’ai besoin de mes mains pour m’extirper ces violentes giclées acides, j’ai besoin d’elles aussi pour laisser s’échapper ces maux coulants. Tu me pose des questions et je ne peux y répondre, voilà donc ce que mes mains t’apportent. Ces giclées acides de maux, j’espère ne t’éclabousseront pas trop, mais répondront à tes incertitudes. N’y vois pas un cri de désespoir, mais une tentative désespérée de me débattre à la lumière, un au secour étouffé par ma propre force de m’en sortir, un cri allié à la lueur.
Je te demanderais, s’il te paît, de répondre par écrit, si réponse il y a. Je n’arrive plus à m’exprimer à l’oral, car les mots après avoir traversé ma pensée, restent bloqués devant ma paroi buccale. Et ma bouche se déformant comme pour mettre à terme, se retrouve dans la perplexité de l’inachèvement de l’information. Tu vois je voudrais dire "je t’aime "tout simplement, et ces mots si doux ont du mal à traverser les lieux.
Cet organe de mon être est déjà trop meurtri, brutalisé et violenté afin de faire évacuer ma rancœur.
On ne peut pas blâmer l’anorexie, la boulimie. Elles ne sont que le résultat d’une recherche de mon être à récupérer son due. Je ne veux pas te blâmer. Tu as choisi de t’effacer devant maman et sa souffrance béante. Seulement vous avez laissé une enfant aux proies des ombres et le seul monstre qui pouvait être sous mon lit se trouvait dans la pièce a côté.
C’est une enfant de quatre ans qui s’est faite piétiner et broyer. Un bourgeon, arrosé à l’acide citrique d'alcool, qui a fané. C’est, je crois, ce que l’anorexie essaye de récupérer maladroitement, cette enfant meurtrie, afin de la faire renaître en décomposant/recomposant l’enveloppe charnelle.
C’est un retour en arrière dangereux pour mieux revenir en avant. Je vous blâme tous deux de n’avoir su préserver cette enfant. Surtout elle, de m’avoir prise pour son sauveur, de m’avoir fait porter encore fœtus inachevé le poids de sa douleur. Et toi de n’avoir eu conscience que trop tard de la situation.
Je n’écris pas ça pour "blâmer ", mais j’ai besoin que mes maux s’évacuent autrement que par ma bouche qui est en grève provisoire pour cause de dégradations.
A.S

lundi 21 août 2006

Rêvons toujours les mêmes rêves aimés


Elle m'appelle cette voix,
tout au fond de mon coeur

Je voudrais ne rêver
que de rêves qui m'exhaltent

J'ai traversé des oceans de tristesse

Mais je sais que sur l'autre rive,
je te rencontrerais sûrement

Je suis ce voyageur qui répète
les mêmes erreurs

Mais qui connait le bleu du ciel
pour l'avoir exploré a chaque chute

Le chemin semble long et interminable
Mais je peux de ces deux bras,éteindre la lumière

Mon coeur cesse de battre
quand je te dis adieu

Mon corps vide et silencieux
tend l'oreille vers le monde

Le merveilleux de la vie,
le merveilleux de la mort

Les fleurs, le vent et les villes
participent du même merveilleux

Elle m'appelle, cette voix,
tout au fond de mon coeur

Rêvons toujours les mêmes rêves aimés
Plutôt que d'énumerer la ritournelle des malheurs

Servons nous des mêmes lèvres
pour chanter joyeusement

Cette voix enfermée
dans chaque souvenir

Conitnuons d'en écouter et d'en garder
precieusement le chuchotement

Au dessus du miroir
brisé en mille morceaux

Des milliers de nouveaux paysages
sont maintenant reflétés

A travers la fenêtre paisible
du premier matin

Mon corps vide et silencieux
va s'emplir d'une vie nouvelle

Plus besoins de chercher au delà des mers
L'étincelle du bonheur est là pres de moi

Je l'ai enfin trouvée
Elle est au fond de moi

wakako kaku

samedi 19 août 2006

vieux textes ... 15 ans ...

Je ne crie plus à la lune, mais au loup.La patte dans le piège, l'acier s'est refermé dans ma chair.
Mon sang bouillonne, mais son odeur m'est familière.
Que l'homme ne m'approche pas, je n’hésiterais pas a me venger, j'ai les crocs acérés.
Le piège s'est refermé sur moi, je me le suis crée.
Que personne ne s'approche, surtout si c'est pour m'aider...
Je suis en colère, je souffre, je me débats et j'ai mal.
Plus je tente de me débarrasser de cette chaine tranchante, plus la lame me déchire.
Je me vengerai, je me vengerai avec le verbe, mes crocs sont mes mots, je les crache comme un venin au premier qui arrive les mains vides.

"Je reviendrais avec des membres de fer, l’œil furieux."





Prise au piège

Elle avait le cœur encor gonflé d’innocence,
Enfant baignée par des rêveries insouciantes.
Ses doux yeux bercés par le refrain de l’enfance,
Son esprit étoilé, elle fuyait, filante.

Surgissant de l’ombre, une femme squelettique
L’agrippa dans son rêve et l’emprisonna.
Elle la fixa d’un regard froid métallique,
Pénétra son esprit, son corps et la broya.

Habitée par le vide, elle souffrait en silence.
Elle disparaît, existant par l’impalpable,
Flottant, fantomatique, subit la violence
D’une solitude au visage insupportable.

Elle erre depuis dans une prison dorée.
- Amoureuse de nuit, ivre de désespoir.
Elle vogue tristement, bruit de chaînes brisées.
Soudain, tombant, couchée dans les glaïeuls noirs.


Dans la nuit

A la lumière d’une bougie mal éclairé,
Une goutte d’argent qui roule sur sa joue,
Pleure mon tout petit, sous le ciel étoilé.
On perçoit des lésions, de ses reins à son cou.

Il sommeil tristement, dans un souffle pénible,
Des reflets vermeils, s’écoulent sur son visage.
Il rêve de ces mains, lourdes et insensibles,
Qui tombent sur lui le soir et qui le ravage .

Son corps frêle et nu tremble parmi les ombres,
Il tend l’oreille tel un moineau apeuré.
Des bruits de pas résonnent dans l’escalier sombre,
Le petit se cache comme un animal traqué.

Elle ouvre la porte, la mégère au cœur dur.
Et elle le roue de coups, surtout dans la gueule.
Et avec ses grosses mains, elle lui brise le fémur.
Et elle le laisse là, le petit, tout seul.




La petite fille pied nu

Elle saute de pierre en pierre
La petite fille pieds nus
Elle bondit comme les biches
La petite fille pieds nus
Elle chante pour les oiseaux
La petite fille pieds nus
Elle sèche ses larmes au vent
La petite fille pieds nus
Elle parle aux animaux
La petite fille pieds nus
Elle marche dans la rivière
la petite fille pieds nus
Elle glisse sur un caillou
La petite fille pieds nus
Elle crève sous le soleil
la petite fille pieds nus

A.S

dimanche 6 août 2006

Viens, je te fais le serment qu'avant toi, il n'y avait pas d'avant

Ma mère est tombée dans la boulimie à 23 ans et ensuite dans l'alcoolisme à 27 pour tenter de s'empêcher de criser car ça la fatiguait.Son père s'est suicidé quand elle avait 4 ans, il s'est tiré une balle dans la pièce à côté de sa chambre pendant la nuit. Je crois qu'elle ne s'en est jamais remise. Sa mère s'est remariée avec un Algèrien pendant la guerre d'Algérie. Les enfants l'ont très mal vécu. Elle avait un grand frère et une grande soeur. Et ensuite une petite demi-soeur et un petit demi-frère.
Seul sa grande soeur était présente le jour de son enterrement. Les autres n'ont pas voulu venir.

A 36 ans elle rencontre mon père. Il l'aime surtout car elle lui rappelle sa soeur.
La soeur de mon père s'est suicidée quand il avait 25 ans. Il s'est toujours senti un peu responsable de sa mort. Elle lui a téléphoné juste avant de se pendre, et il n'a pas su quoi dire exactement. Cela ressemble étrangement à ce qu'il s'est reproduit avec ma mère.Quand il a rencontré ma mère, il a trouvé une sorte d'opportunité de re-sauver sa soeur.

Elle m'a eu à 38 ans, après de longues années de réflexions car elle ne voulait pas d'enfants à la base.Mais finalement elle m'a eu.Relation extrêmement fusionnelle. J'étais son bébé, sa chérie ... Et moi j'étais investie d'un rôle sans le savoir à ma naissance: sauver ma mère. J'ai passé mon enfance à la porter, sans savoir que je la portais. Témoins de son alcoolisme et de sa boulimie quand mon père était au travail. Complètement perdue par la fulgurance de son changement de comportement quand mon père arrivait, ou un instant avant, elle m'insultait complètement ivre, et quand la porte s'ouvrait elle semblait avoir tous ses esprits.

A la base mon père ne voyait même pas que ma mère était malade. Ou il ne voulait pas voir, quoi qu'il en soit c'est moi qui m'en occupais, moi qui la consolais depuis mes 7 ans. Il ne m'a jamais délaissée de mon fardeau. Il ne s'est jamais posé de questions.On a tenté l'hospitalisation, mais c'était déjà trop tard ...Elle était déjà devenu folle. Plus on l'hospitalisait plus elle devenait folle. Elle se sauvait, on avait la trouille, elle menaçait de se suicider. Elle disait qu'on l'abandonnait, me harcelait au téléphone, raccrochait, refusait de nous parler. C'était cauchemardesque. Mon père ne savait plus quoi faire à ce moment la, car elle avait beau être loin, c’était pesant tout de même. Elle s'est fait viré d'une clinique de désintoxication pour avoir bu, enfin bon elle trouvait toujours quelquechose pour tout faire empirer.

Je ne pense pas qu'elle aurait voulu qu'on meurt ensemble finalement.
Je lui ai souvent dit,
-" si tu meurs tu m’emmènes, on le fait ensemble. "
Elle a dit oui. Et puis finalement elle est partie seule. Elle a attendue que je sois hospitalisée pour partir. Je pense qu'elle l'a fait exprès pour me protéger, qu'elle ne voulait pas que je voie ça, que je la trouve. Moi j'étais à l'hôpital. La veille c'était un jeudi. Elle était venue me rendre visite, j’attendais une copine qui devait passer, et je remercie le ciel qu'elle n'ait pas pu, car du coup j'ai parlé 2h durant avec ma mère. Notre dernière discussion.
Cela faisait une semaine que j'étais à l'hôpital et elle refusait de me voir. Je crois qu'elle avait réalisé ce qu'elle m'avait fait, et elle était à bout.On a discuté. Elle m'a dit qu’elle n’irait pas avec nous en vacances cet été, qu’elle irait chez sa soeur, qu’elle allait nous quitter. Je lui ai dit que c'était hors de question, que je ne vivrais pas sans elle.
Je me souviens je lui ai dit qu'on avait besoin l'une de l'autre, qu’elle pouvait pas vivre sans moi, et que je pouvais pas vivre sans elle. Alors elle a dit,
-" oui, c’est vrai, je reste avec toi. "
Après elle devait dîner avec mon père. Il m'a raconté qu'elle lui a dit:
-"j'avais décide de me suicider ce soir, mais j'ai changé d'avis",
et il n'a rien répondu, il ne savait pas quoi dire. Je suis sûr qu'elle avait changé d'avis à cause de ce que je lui avais dit. Je n’ai même pas pensé qu'elle allait se suicider ce soir là. Mais comme il n'a répondu elle a dit :
-"j'ai l'impression que ça t'es égal finalement".
Ils se sont couchés séparément, parce qu'elle dormait mal et lui aussi. Il a pris un cacheton, il a vu qu'elle était encore blindée de médocs, mais à force, il trouvait ça normal.C'est mon père qui l'a retrouvée morte à côté du lit. Elle était tombée du lit et il y avait une flaque de reflux à côté d'elle. A deux heures il s'est relevé parce qu'il l'entendait tousser, comme si elle s'étouffait. Mais comme il avait pris des médocs lui aussi, il avait du mal à émerger. Finalement au bout d'un moment, il est venu dans la chambre, et il l'a trouvé par terre. Quand il est arrivé dans la chambre, elle était tombée du lit. En fait elle s'est étouffée en dormant, une "fausse route", elle s'est vomi dans les poumons et avec les médocs elle n'a pas réagit.
Je sais pas si elle était déjà morte ou pas. Mais en tout cas, le temps qu'il appel le samu, quand ils sont arrivés, elle était morte.
Le lendemain je devais sortir de l'HP, et elle devait me chercher à 14h.
Je vais voir le psy le matin, pour faire le contrôle de sortie, et il me dit, c’est votre père qui va venir vous chercher. Je lui dis que non, c’est ma mère qui doit venir. Et puis je comprend plus rien alors j'appelle mon père. Il était mal, il me dit
-"j'arrive tout de suite",
je lui dit
-"qu'est ce qu'elle a maman? Elle est à l'hôpital?"
(J’ai tout de suite pensé à une ts, mais je n'ai pas pensé qu’elle ne s’était pas ratée), il me dit :
-" oui, j’arrive. "
Et je me poste devant la fenêtre. Et je pense, "comment je réagirais si il arrivait et me disait que ma mère était morte?"… Et je ressens rien...Rien ... Je me dis c’est pas possible, je ressentirais quelque chose, c’est que je me rend pas compte. Et j'essaye encore de me mettre dans la situation. Mais je ressens rien. Et je me dis, " tiens peut être que ça m'est égal que ma mère meurt. "
Et je vois la voiture arriver, je ne sais pas pourquoi je m'attendais tant à ce qu'il allait me dire. Et puis la porte s'ouvre, je le vois décomposé en larme arrivant à peine à sortir les mots
-"maman est morte, elle s'est suicidée cette nuit"
... Et moi presque en riant, je le croyait pas ... Et je lui dit :
-" mais non tu rigole, elle aurait fait ça comment ? "
-" Avec des médicaments " ...
C'est en allant a la morgue que j'ai réalisé. J'aurais voulu la garder comme ça pour pouvoir lui rendre visite tous les jours. Des fois je voudrais qu'elle soit encore à la morgue pour pouvoir la voir encore.J'ai eu un choc quand je suis rentré dans la pièce on aurait dit qu'elle dormait, mais ça se voyait qu'elle était morte. Et puis après je me suis habitué. J'étais contente de la voir. Elle avait les cheveux tout doux, parce qu'elle avait été chez le coiffeur la veille. C'est là que je me disais c'est pas possible, puisqu’elle a été chez le coiffeur la veille, elle voulait pas mourir. Mais je sais, qu’on choisi pas toujours le moment. Ca vous prend comme ça.

Je sais qu'elle l'a fait pour moi. Qu'elle l'a fait parce qu'elle souffrait, pour plein de raisons. Mais je sais aussi, que si elle l'a fait, c’était pour m'épargner. Parce qu'elle se rendait compte qu'elle pouvait plus vivre avec moi sans me faire du mal. Parce que c'était pas ce qu'elle voulait. Elle faisait du mal à mon père aussi. Elle arrivait plus à faire autrement c'était plus fort qu'elle, mais je sais qu’elle ne le voulait pas. Elle a fait ça pour tout ça. Parce qu'elle savait que mon père était fort, et qu'il s'occuperait bien de moi ... Qu'elle ne m’abandonnait pas complètement, qu’elle ne me laissait pas toute seule ... Elle s'est dit qu'on serait mieux sans elle. Je sais que j'ai raison. Ce n’est pas un truc que je me dis pour me rassurer, n’importe qui me confirme ça. Tout le monde sait qu’elle n’a jamais voulu me faire ce qu'elle m'a fait. Mais quand elle s'est rendue compte de l'ampleur des dégâts, c’est peut être la seule chose qu'elle a trouvé pour réparer. Et pour se sauver elle même. Elle était fatiguée.Je pense effectivement que mon père était destiné à me sauver. Et je pense qu'il l'a fait. Je ne sais pas où on en serait tous si elle était encore en vie.

Son geste englobe un million de choses. Elle, sa souffrance, la sensation d'être a bout, trop fatiguée pour avancer, la prise de conscience, etc. ...
Ca ne datait pas d'hier qu'elle y pense, mais beaucoup de choses sont rentrées en compte pour qu'elle agisse. Et je sais que ce n’était pas seulement un acte égoïste pour se libérer.
Le jour même, quand on se rendait aux pompes funestement père m'a dit :
-"Tu sais si elle l'avait pas fait, t’aurais jamais pu te séparer d'elle, t’aurais jamais pu grandir."
Elle ne m’aurait pas laissé grandir, on n’aurait pas pu se séparer. Je pense que son suicide était le cordon, coupé de façon brutale.
Mon père s'est remis avec une femme très bien. Mais c'est l'opposée de ma mère. Ca me fait bizarre, mais bizarrement je trouve qu'ils vont mieux ensembles, elle est plus comme lui. J'ai souvent l'impression qu'il a oublié ma mère et que je suis la seule à m'en souvenir.

J'ai perdu la seule personne au monde qui me comprenait totalement et que je comprenais totalement, mais la personne qui était le plus néfaste aussi, qui m'a fait le plus souffrir, le plus de mal.
Je l'ai suivi pour tout : destruction, souffrance, extrêmes, violence, dépendances ... Elle m'a incité, elle m'a emmené avec elle dans sa perte, elle m'a appris comment me détruire, toujours plus, toujours mieux ...
Et pourtant je la suis encore, j'ai en moi sa révolte, sa force d'anéantissement, j'ai cette souffrance que je gerbe au quotidien, je me fais evanescente pour la rattraper là haut, je me protège des rayons du bonheur avec une ombrelle de souffrance, je la suis, il le faut. Et pourtant ... la solitude ...
Je l'aime comme je n'ai jamais aimé, et je n'aimerais jamais plus.