jeudi 19 juillet 2007

Le dormeur de Nôtre-dame


Il est 11h00. Je ne sais pas pourquoi j’ai choisi l’endroit le plus touristique de paris pour m’arrêter et profiter du soleil. D’ailleurs je ne profite pas, car j’entends le glouglou des masses ouailleuses, le pépiement de basse-cour du bétail de touriste sortis de leur boite de conserve climatisée. Je regarde ces imbéciles de japs se faire photographier dans toutes les poses, et vas-y que je lève la jambe, le peace devant la rosace et le cheese devant la statue, et le poirier devant le point zéro …

Et pourtant puisque j’ai choisi ce lieu, je sais qu’il y a une raison, je ne sais pas encore laquelle, mais je ais qu’il y en a une.

J’ai toujours aimée m’attarder à regarder les gens. D’ailleurs cela m’a déjà valu quelques insultes pour regard insistant. J’aime les gens. Je les décortique des yeux, je les détaille au millimètre, je les mange visuellement, je me nourris de leurs expressions, je fais une boulimie de gens.
Je regarde surtout le visage et les mains. Je ne m’intéresse pas trop aux vêtements. Je compte les rides des vieux et plus ils en ont plus je les trouve beaux, le contour de la bouche d’une fille comment elle se maquille, sa façon de parler, l’air contrarié d’un garçon, sa façon de froncer les sourcils.. J’essaye de lire en eux, je les sonde du regard jusqu'a en être rassasié, mais généralement je suis avortée dans mon analyse par leur départ.


Pendant que je disséquais quelques visages, il y avait ce garçon endormi sur le parvis de notre dame.
Il portait un blouson en cuir, les cheveux en batailles, et un jean délavé. Il s’était endormi au milieu du passage, la tête sur son sac jaune et les gens l’enjambaient tout en discutant, ne se souciant guère de lui.
Etait-ce un vagabond ? Une étudiant en pose ? Un jeune fugueur ? Un marginal ?
Il devait avoir plus de la vingtaine, a peine. J’étais trop intriguée pour continuer mon jeu, trop absorbée par lui pour me concentrer sur qui que ce soit d’autre.
J’ai voulu en savoir plus, je me suis rapprochée. Comble de l’ironie, ce jeune vagabond endormi avait posé sur sa poitrine une livre de Kreouack, « les clochards célestes ».
Son errance avait du lui inspirer cette lecture opportune. Je me pose au dessus de lui, avec mon livre (j’en ai toujours 4 ou 5 sur moi, comme une tortue promène sa maison, moi je promène ma bibliothèque) et je me couche au soleil.
J’attends qu’il se réveille.
Je l’entends remuer dans son sommeil, sûrement visité par Morphée et les murmures de la cathédrale qui, dressée fièrement de tout sa robe de pierre, le protège comme une louve protègerait ses petits.


Derrière moi un homme, qui semble venir du sud car il a les sillons du soleil tracés sur le visage, nourrit les moineaux a même la main. Il devient rapidement le spectacle intriguant pour tous les touristes, et moi-même je me retrouve absorbée cette attraction.
Pendant que je me laissais distraire, mon vagabond s’était réveillé. Etonne par le monde qui l’entoure, il se relève endolori et s’attarde un temps sur le spectacle du vieux…


Puis il s’en va. Je suis prise de court. J’aurais voulu lui parler, savoir si il était clochard céleste, vagabond merveilleux, étudiant fugueur … Je vois le sac jaune s’éloigner de la foule et je le suis. Je le suis de loin, je le piste, je le trace, il est déjà sorti du parvis et traverse le pont, il se dirige vers le carrefour, je le vois traverser mais les voitures me bloquent. Je le suis du regard, le récupère de vue sur le trottoir, jusqu’ou m’emmènera-t-il ? Et que lui dirais-je ?
Je continue a le pister, et arrivée a un autre carrefour, plus rien. Plus de traces, je regardes toutes les rues, et scrute un point jaune. Rien. Dépitée je continue ma route, je pars acheter "les vagabonds célestes" de Kerouack. Tandis que je me dirige vers la libraire une voix m’apostrophe vers le bas.
- Vous auriez pas une petite pièce s’il vous plait ?


A.S